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1. Marche
De l'index, elle appuie sur le bouton intégré à l'arrière de l'appareil. La surface vitrée reste noire un instant, puis un son presque triomphant retentit, à la suite de quoi l'écran vire au gris clair. Tandis que la machine gémit doucement, une petite pomme anthracite se matérialise au-dessus d'un mini-soleil gris dont les rayons se révèlent et s'effacent l'un après l'autre. Sous la pomme, elle voit apparaître son propre visage, dans un cercle, et son surnom, RASTA. Elle a les cheveux blancs, les joues rondes, les sourcils affinés, les yeux verts, le nez petit et les lèvres charnues, au pourtour tatoué. Ses dents sont d'un blanc éclatant. Après un clic sur le cercle, on lui demande son mot de passe. Elle tape Cokane1976 et actionne une touche. L'appareil produit un bourdonnement à peine audible. Le petit soleil gris se manifeste à nouveau, moins longtemps que la première fois. L'écran devient alors bleu d'azur et elle découvre un rapport sur le contenu de la machine. Ce matin, elle dispose encore de 501,25 GO. Quand elle les aura utilisés, la mémoire sera pleine. 2. L'alphabet Un catalogue de visages, classés par prénom : Aaralyn, Abalia, Abatha, Abbey, Abelia, Abella, Abisha, Adahlia, Adalissa, Adalynnx, Adana, Adina, Adona, Adora, Adoria, Adrianna, Afina, Afra, Afrodity, Agatha, Ahna, Aika, Akira, Alana, Alani, Alaura, Alayia, Alesha, Aletta, Alexia, Alexis, Alina, Alisha, Alissa, Allisandra, Alyssa, Amanda, Amber, Amella, Amina, Amira, Anastasyaa, Anika, Annika, Anshya, Arcadia, Arella, Arellia, Ariel. 3. Le tunnel Il quitte une pièce éclairée par des néons pour entrer dans un tunnel aux parois tapissées de toiles noires. Peu à peu, il finit par ne plus rien voir. Des corps le frôlent, parfois il heurte quelqu'un ou se fait bousculer. Tout ce qu'il entend, ce sont des pieds qui traînent. C'est alors qu'il aperçoit une silhouette. L'ombre se précise et prend bientôt les traits d'un homme plutôt âgé, qui marche dans sa direction. Lui-même se dirige à la rencontre de l'inconnu, pourtant de plus en plus lointain. Plus il tente de s'approcher, plus l'homme s'enfuit, jusqu'à disparaître totalement. Peu après, il remarque une jeune femme. Elle a les yeux bleus et des frisettes blondes qui lui tombent sur les épaules. Elle porte une petite robe en velours sans manches. À chaque pas qu'il fait vers elle, elle répond d'un pas identique, jusqu'à ce qu'ils se retrouvent pratiquement nez à nez. Elle observe avec curiosité le visage de l'homme, qui, à son tour, étudie les expressions faciales de la femme. Leurs yeux se croisent en continu. Elle a les pupilles dilatées, tout comme lui. Ils se regardent longuement. Un bout de temps après, l'écran s'éteint. L'homme se retrouve à nouveau dans le noir. 4. Histoires courtes Une femme travaillant comme hôtesse de l'air s'entend tellement demander si elle copule avec les pilotes qu'elle décide de devenir prostituée. Un homme sans le sou, qui prétend avoir été délesté de 500 euros, crie sur tous les toits qu'il va se faire voleur. Affligé de troubles mentaux, il se décide finalement à entamer des études de psychologie. Au moment où, dans la rue, un homme s'imagine être sur un podium de défilé il se fait accoster par une femme plus âgée qui lui propose un emploi de mannequin. Lui-même victime d'inceste, il ne peut s'empêcher d'abuser de ses enfants. Une femme ayant découvert que son mari la trompait se met en quête d'un amant. 5. Le smartphone Le vent tourbillonne à travers les longs cheveux blonds d'une jeune femme qui marche dans la rue sans quitter des yeux son smartphone. Elle tient l'appareil coincé entre ses deux index et touche le clavier avec ses pouces. L'écran reflète sur son visage une lueur bleutée de propane. En la croisant, l'homme voit d'abord l'image inversée du smartphone dans ses yeux bruns. Ce n'est qu'après l'avoir dépassée, lorsqu'il jette un rapide coup d'œil en arrière, que l'écran lui-même pénètre dans son champ de vision : une série de visages masculins et féminins — un homme basané fermant les yeux, une femme masquée dont la coiffure est retenue par des épingles, une femme à la tête baissée et aux cheveux brossés vers l'avant, une femme lippue aux très grandes boucles d'oreilles, une femme qui tire la langue, un garçon dont les lunettes de soleil réfléchissantes renvoient le portrait d'une fille, une femme qui prend une longue bouffée de cigarette et inhale la fumée, une brune qui regarde son smartphone. Elle clique parfois sur un visage, pour le balayer aussitôt d'un glissement de doigt. 6. Le vol Elles portent toutes les deux le même débardeur blanc et le même pantalon noir. Le bout de leurs seins en liberté pointe à travers le coton. Elles sont coiffées à l'identique : cheveux en brosse, châtain clair. Ni l'une ni l'autre ne sont maquillées. La seule différence entre les deux est la goutte d'argent suspendue à une chaînette qui repose sur la gorge de l'une d'elles. Dans un recoin malpropre, un homme tout aussi douteux épie les jumelles entre les rayons. Lorsqu'il remarque, comme il s'y attendait, que l'une des deux empoche un bijou, il passe à l'action. Quelques secondes suffisent pour que son message parvienne à l'inspecteur de magasin. En sortant de la cabine d'essayage, les deux sœurs portent le même collier. Interpellées par l'inspecteur, elles s'accusent mutuellement du vol. Il n'y a aucune preuve incriminant l'une ou l'autre. L'agent de surveillance n'a pas vu — même pas sur la vidéo — que l'une des jumelles a un grain de beauté sur l'épaule droite. 7. Choses Elle ne s'attache pas facilement aux objets. Mais une fois que le lien s'est mis en place, il tient pour de bon. Elle et la chose sont alors inséparables. Il peut s'agir d'une paire de chaussures, d'une montre Casio, d'un T-shirt ou d'une pièce de monnaie. A un moment donné, elle se dit que pour chaque nouvel objet, il lui faudrait en jeter un autre. Une fléchette devra s'incliner devant un porte-clés du Ram Dam, un briquet devant un dé à jouer, une montre devant un niveau à bulle. Elle se fait tatouer sur son corps quelque chose qu'elle a perdu. 8. En allant au travail "Qui vous a donné mon numéro ?" Le téléphone ballottant sur la poitrine, les écouteurs plantés dans les oreilles, elle tient le microphone coincé entre l'index et le pouce de la main gauche, à la hauteur de sa bouche peinte en rose. "C'est elle qui vous l'a donné ? Ah bon. Je lui avais pourtant dit d'éviter." Entre l'index et le majeur de la main droite, elle pince une cigarette qu'elle porte régulièrement à ses lèvres. "Presque dans la rue Varin. Vous connaissez ?" La femme est vêtue d'un pantalon de jogging en coton gris et d'un sweater bien trop grand pour elle. Sous un bonnet rasta unisexe dépassent des cheveux d'un blanc argenté. "Chez SN, mais j'ai laissé tomber." Absorbée par la conversation, elle ne se rend pas compte que ses pieds chaussés de tennis blanches traversent une flaque d'eau. "Une journée sans plaisir est une journée perdue." Elle pouffe de rire en prononçant ces mots. Son visage est soigneusement maquillé. Les sourcils sont fins et uniformes. L'ombre à paupières, en dégradé, est plus foncée vers le coin de l'œil. Le contour de ses lèvres est discrètement tatoué. Son parfum s'appelle Love Story. "Je suis presque au travail. Tu peux passer si tu veux. Attends, je t'envoie une photo." Elle se débarrasse du bonnet et des écouteurs en un tournemain. Le micro flotte au vent. Elle éjecte sur le trottoir sa cigarette à demi consumée. Puis elle tend l'appareil devant son visage. Elle sourit, puis déclenche. "Comment tu me trouves ?" "Merci, ça fait bien plaisir à entendre." "À tout de suite." 9. L'objectif Elle ne regarde pas sa partenaire dans les yeux. C'est à l'objectif qu'elle accorde toute son attention. Ses cheveux sont tirés en tresses, si bien que son visage tout entier, son cou et le petit sablier tatoué sur son épaule restent visibles en permanence. Les lobes de ses oreilles sont percés de grands anneaux fins, couleur pourpre. Sa bouche est entrouverte, découvrant une partie de sa dentition impeccable. Sa langue rose repose parfois sur le gloss rose pâle de sa lèvre inférieure. Ses paupières sont lourdement maquillées : en rose dans le coin extérieur, en vert foncé à l'intérieur, avec entre les deux plusieurs nuances de bleu, de brun et de violet. Ses pupilles vert clair sont calées tout à droite dans les orbites, de telle sorte qu'une étendue de blanc brillant s'illumine sur la gauche. Elles restent en place, même lorsque les paupières se referment un long moment ou une fraction de seconde, ou quand elle remue la tête, de gauche à droite ou de bas en haut. C'est alors qu'elle dit : "Fais ça seulement si ça te plaît, autrement non ; ne le fais que si tu aimes ça." 10. Le crash L'homme au denim noir déchiré ne remarque pas que la jeune femme qui, comme lui, fixe l'écran de son smartphone est en train de foncer droit vers lui. La collision est inévitable. Ils se renversent l'un l'autre et l'iPhone 7 de la femme tombe sur le trottoir. Les deux corps entrecroisés ne se détachent pas immédiatement. La jambe de l'homme est coincée sous celle de la femme, qui s'empresse de faire pivoter l'écran de son téléphone. "Je vous ai fait mal ?" "Et moi ?" L'homme, dont le nom — ANIZ — figure en lettres autocollantes sur son appareil, se met debout avant de tendre la main à l'inconnue. Tous deux se mettent à rire, un peu embarrassés, de ce grotesque incident. Un peu plus tard, ils échangent leurs numéros de téléphone et poursuivent chacun leur chemin. a. La citation "Ideas alone can be works of art; they are in a chain of development that may eventually find some form. All ideas need not be made physical" [Sol LeWitt] 11. La collection Elle a trois paires de lunettes noires (dont une à verres réfléchissants), 23 paires de chaussures, un iPod, un iMac, un iPhone, 623 selfies et une peau de chèvre. Sur l'un des selfies, elle porte les lunettes à miroir bleutées sur lesquelles se reflète une femme coiffée d'un bonnet rasta. Une autre photo la montre en train de prendre une longue bouffée de sa cigarette. Sur le selfie n° 381, elle regarde avec curiosité dans l'appareil, qu'elle tient au niveau de son entrejambe. Ses cheveux flottent au vent. Elle porte un T-shirt marqué "Brain". 12. La webcam "Qu'un visage puisse changer soudain du tout au tout quand on s'en approche..." Après avoir tapé cette phrase, l'homme se renverse sur sa chaise et porte machinalement son auriculaire droit à sa bouche. Il observe ensuite ce doigt qu'il vient de suçoter. Puis il le remet dans sa bouche et en mordille un bout de l'ongle. "Jusqu'à une date récente, il ne s'était jamais rendu compte que les yeux de cette femme étaient de forme ovale, avec un renfoncement au coin de la paupière droite." L'homme sourit, lève l'index vers son œil droit et appuie légèrement sur la paupière. Il s'écarte du bureau, puis fixe l'horizon. "La première chose qu'il fera désormais en la retrouvant sera de regarder ce petit renfoncement." L'homme baisse la main jusqu'à son entrejambe. Il n'a pas remarqué que des mois d'exposition au soleil ont fini par décoller le cache de sa webcam, qui est tombé sur le bureau. 13. Des yeux, des nez, des bouches et une oreille Elle est sur le point de s'engager sous le pont lorsque ses yeux se posent sur un petit panneau blanc, en bois. Elle continue un peu, mais revient finalement sur ses pas. D'un geste hésitant, elle retourne l'objet pour s'apercevoir avec étonnement qu'il y a une peinture au verso. Elle décide de la remettre à sa place, mais du bon côté cette fois. Le lendemain, elle revient sur les lieux et voit que le tableau est toujours là. À présent, elle choisit de le prendre avec elle. Parmi les taches vert fluo, orangées, rouges et ocre, un visage sans oreilles est représenté. Le tableau comporte également une touffe de cheveux et un œil ; un nez, un œil et une bouche ; un nez, un œil et une oreille ; un œil et un nez ; une bouche ; un œil et une signature : B. 14. Le modèle Elle est assise sur un sol en béton ; une jambe — la gauche — est repliée à fon, comme en tailleur ; l'autre n'est qu'à demi relevée, laissant aux mains et aux avant-bras la place de se rejoindre sous le genou. Elle porte des bottines hautes, un jean noir, un petit pull écossais sur un chemisier jaune. Sa tête est légèrement inclinée. Un rideau de cheveux lui couvre une partie du visage — seule la paupière gauche, fermée, reste visible ; ses lèvres sont pincées. Tandis que les minutes passent, interminables, le modèle garde la pose, dans les cliquetis sourds de l'appareil photo. Retentit alors le mot d'ordre qui la délivre de sa position. Lentement, elle étend les jambes. Lorsqu'elle place les paumes sur le béton, on peut observer sur l'ongle laqué noir de son auriculaire droit l'image inversée de la photographe. 15. 24 heures Le matin devant la glace, il voit un homme aux yeux bruns qui regarde droit devant lui. À midi, c'est quelqu'un d'aimable et de souriant, qui porte des lunettes noires. Le soir, il a les cheveux coiffés vers le haut et son sourire s'est figé en grimace. La nuit, il dort nu à l'exception de ses chaussettes. 16. Moniteurs Dans cette rue, les murs ont des yeux. Des demi-globes en verre sont vissés aux façades. Qui s'engage dans la rue Varin fait l'objet d'une surveillance, de même que toute personne qui en sort. Les images captées sont transmises au centre de contrôle. Un homme assis en face de dizaines d'écrans observe un autre homme qui tape un texte à l'ordinateur. Lassé par la monotonie des frappes sur le clavier, il tourne son attention vers une Porsche Cayenne rouge vif immatriculée 1-COC-167. Ce n'est pas le conducteur qui l'intéresse, mais la femme installée sur la banquette arrière — une brune en robe à pinces couleur lilas. D'une courte pression sur le bouton du joystick, il zoome sur elle. Du visage, il descend vers la chaînette ornée d'un pendentif à son nom : Nell. Pour finir, il s'arrête sur les pinces de la robe. Au moment où la femme bouge un peu la tête en arrière, il constate que cette robe est beaucoup trop petite et qu'elle lui ôte pratiquement toute possibilité de se mouvoir. 17. Le cambrioleur Dehors, il fait 33 degrés, à l'intérieur 28. Un jeune homme s'est introduit dans un logement où une femme se prépare à aller dormir. Elle regarde fixement dans le miroir, imbibe un coton de démaquillant et commence à enlever son mascara. Tour à tour, elle garde un œil fermé le temps de nettoyer l'autre. Elle ne remarque pas le jeune homme, même lorsque, les yeux ouverts, elle se masse le visage à la mousse purifiante avant de le frotter avec un coton imprégné de lotion tonique. À travers l'entrebâillement du placard, le jeune homme la surveille, y compris pendant que la femme se brosse les dents avec application. Il a les pupilles dilatées, son cœur pompe le sang de plus en plus vite dans ses veines. Il sent venir un vertige. Son front est couvert de grosses gouttes de sueur qui roulent une à une le long de son cou, de sa gorge, dans l'encolure de son T-shirt. Au moment où la femme éteint la lumière dans la salle de bain pour se diriger vers la chambre, il décide de quitter les lieux. 18. Le serveur La machine crache en continu des clichés de la même femme. Sur l'une des photos, elle a le visage peint en bleu — et regarde résolument l'objectif. Sur une autre, elle fixe son smartphone, sans aucune émotion. Sur une autre encore, elle est nue : les orteils de son pied gauche touchent à peine le sol, sa jambe droite est jetée en l'air, cintrée, sa tête et ses épaules reposent sur le sol en béton. Le flot d'images n'en finit pas. Une photo montre la femme en train de peindre. Une autre montre un cliché qu'elle a exposé. Certaines représentent son dos nu, son visage, avec ou sans masque de protection. Ici, elle tient un flacon d'Elvive Full Fiber, là un Dyson DC62 Animalpro. La femme n'est pas toujours prise pour sujet. Il y a des paysages, des animaux, des dessins, des sculptures, des tableaux et un martin-pêcheur tatoué. Certaines images résultent de séances photo méticuleuses, d'autres ont été réalisées à l'appareil jetable, sans compter les selfies et les instantanés de vidéosurveillance. Une des photos la saisit en train de se précipiter d'une maison au siège arrière d'une Porsche Cayenne. Elle porte des tennis et un bonnet tricolore vert-jaune-rouge. 19. Le tatouage "Même si le corps est nu et autant que possible - voire entièrement - dépourvu de pilosité, son image vieillit encore plus rapidement que lui." Il sélectionne la photo d'un jeune homme à la peau sombre. Le modèle a les yeux fermés. "C'est le cas même lorsque la résolution du dispositif optique est maximale." Il regarde le portrait d'un autre homme. "Bien que l'image vieillisse plus vite que le corps, elle lui survivra malgré tout." Sur le pectoral gauche d'un autre homme est tatoué un martin-pêcheur en plein vol. "Lequel des deux vieillira le plus vite ? Le cliché de ce corps ou le tatouage ?" Machinalement, il fait glisser la photo dans un moteur de recherche qui ne parcourt que les images. Il voit des hommes parés d'hirondelles, d'aigles et de faucons, des femmes ornées d'aigles, de perruches et de mouettes. La peau d'un des modèles tatoués brille sous une couche d'huile. Au prix d'un certain effort, l'homme distingue la main d'une femme armée d'une aiguille. 20. Arrêt "Et qu'est-ce que vous pensez de mon nouveau T-shirt ?" À peine a-t-elle posé la question qu'elle brandit le vêtement devant la caméra. C'est un petit pull blanc qui arbore l'image d'un robot. De sa figure à elle, on ne voit que les yeux, les sourcils et deux mèches de cheveux bruns ondulés. Une fois qu'elle a jeté à terre la pièce de textile, son visage et son buste apparaissent enfin. Elle n'est vêtue que d'un petit col noir à plumetis argentés. Tout en regardant droit dans l'objectif, elle s'allume une cigarette et inhale énergiquement. La fumée se répand près d'une minute à l'intérieur de son corps frêle. Tantôt elle se cache le sein gauche de la main droite, tantôt sa main gauche se dirige vers l'autre sein. "J'me casse, les gars, la nuit a été longue. Je suis là demain." Elle bâille, tire encore sur sa cigarette et tripatouille l'appareil. Il y a une brève coupure de son. "Merci, vous aussi vous avez été formidables, merci." D'un geste encore plus vigoureux qu'à l'instant, elle agrippe l'ordinateur portable et la caméra fait un brusque zoom avant. Prise de panique, elle tape alors sur des touches au hasard, mais c'est maintenant toute la pièce qui apparaît à l'écran. Une carpette en peau de chèvre est posée sur un parquet verni. Des T-shirts, des vestes et des sweaters sont accrochés à un portant. Sur la table de nuit, il y a une chaînette avec son prénom — Nell — et celui d'un homme — Billy. Le robot chiffonné traîne à ses pieds. Elle retrouve enfin la télécommande et maintient affolée le doigt sur une touche. Surgit d'abord une fine bande blanche, accompagnée d'un bruit sourd. Puis tout devient noir. Koen Brams |